Une amie vit un problème avec sa fille de 28 ans. Celle-ci adopte des comportements irresponsables et cette amie se sent à la fois coupable : « qu’ai-je raté dans mon éducation ? » et à la fois impuissante : « que puis-je faire pour qu’elle évite de faire cette bêtise que je vois venir? ».
Ce cas m’en rappelle d’autres :
- Cette amie que je voyais sombrer dans l’alcoolisme et que j’essayais de sauver alors qu’elle ne voulait faire aucun pas de son côté;
- Cette mère dont la fille adulte se droguait et qui s’enfermait dans sa souffrance de mère, voyant sa fille se détruire à petit feu;
- Ce jeune qui tombe en dépression en se sentant impuissant face à la détresse des animaux ou du monde en général …
Chaque lectrice ou lecteur de cet article trouvera certainement un exemple dans sa propre vie où elle/il s’est senti(e) « impuissant(e) ». Dans un grand nombre de cas, cette impuissance est intrinsèquement liée à une culpabilité mais ce n’est pas une règle absolue. Quelqu’un peut se sentir impuissant dans une situation sans se sentir coupable. L’inverse est vrai aussi.
Dans cet article, je propose tout d’abord une lecture thérapeutique et puis une lecture spirituelle de ce thème tout en étant conscient que chaque cas est différent et qu’il est difficile de généraliser.
Lecture thérapeutique
Chacun d’entre nous est porteur d’un ego, d’une identité qui s’est construite durant les premières années de la vie, qui s’est développée pour se structurer à l’adolescence. Cet ego est, par nature, porteur de souffrances. Lire le livre d’Eckart Tolle à ce sujet. Certaines personnes arriveront à faire preuve de résilience par rapport à leurs souffrances profondes et d’autres pas. Lire à ce sujet les livres éclairants de Boris Cyrulnik.
Prenons le cas de la relation parent – enfant
En ce qui concerne les enfants devenus adultes, je citerais les paroles de Khalil Gibran : « Vos enfants ne sont pas vos enfants mais les enfants de la vie ». Une fois devenu adulte, les enfants sont appelés à prendre leurs propres décisions concernant leur propre vie. Beaucoup de parents projettent sur leurs enfants ce qu’ils pensent être le meilleur pour eux. Mais cet enfant devenu adulte a le choix de suivre ou pas les « conseils » reçus.
Le parent doit-il se sentir responsable ou coupable ? Je ne doute pas que chaque parent a fait tout ce qu’il a pu dans l’éducation de son enfant avec les moyens qu’il avait. Se sentir coupable n’apporte absolument rien de constructif. Et si, effectivement, le parent avait vraiment quelque chose à se reprocher et se rongeait dans la culpabilité, je préconiserais une action concrète de service auprès d’une personne ou d’une association pour sortir de la spirale de culpabilité.
En cas de besoin, une thérapie basée sur la transformation de ce sentiment de culpabilité ou de cette impuissance pourrait être nécessaire. Quand l’envisager ? Quand la souffrance devient trop importante et entame significativement l’énergie de la personne (perte de sommeil, …).
Quand il s’agit d’alcoolisme ou de drogues
Le sentiment d’impuissance est encore plus fort. Nous voyons la personne que nous aimons sombrer et nous nous sentons complètement impuissants face à cette descente dans les enfers. Le piège est de tomber dans le rôle du sauveur car cette personne risque de vous attirer dans le fond du trou avec elle. Et ce n’est certainement pas ainsi que vous allez l’aider. Non seulement cela affectera votre énergie mais cela ne servira à rien. Seule la personne pourra décider de s’en sortir. Pour l’alcool, des structures comme « les alcooliques anonymes (AA) » sont particulièrement efficaces. Ces structures existent dans la plupart des pays. Pour information, il existe de nouveaux traitements avec la psylocibine qui se révèlent efficaces à plus de 80% dans le cas de l’addiction à l’alcool. Pour les membres de la famille d’un alcoolique, il existe aussi des structures d’aide comme Al-Anon et j’encourage les personnes concernées à les contacter.
Ces jeunes qui souffrent en voyant la souffrance du monde
J’ai croisé de nombreux jeunes qui souffraient terriblement face à la « souffrance du monde », face à la « souffrance causée par les guerres actuelles », « face à la souffrance des animaux », face à la « souffrance de leur famille ». Ces jeunes ont des structures de personnalité empathiques à l’extrême. Ils ne sont pas là par hasard. Ce sont eux qui portent la conscience des conséquences de nos actions collectives. Je dirais qu’ils sont « les empathes du collectif ». Je dirais à ces jeunes de ne pas tomber dans l’impuissance et la culpabilité face à tout ce qui se passe. Ils ne sont pas coupables de ce qui se passent. Je leur dirais d’être juste les représentants de cette conscience collective sans en porter le poids. Ils n’ont pas à en porter le poids ! Le meilleur moyen de transformer cette impuissance et cette culpabilité est de proposer une action de service très concrète à leur niveau.
Chacun agit où il peut sans devoir se « sacrifier ». Il n’y a pas de sacrifice de soi à offrir pour « sauver le monde ». Il n’y a pas à sauver le monde. Il y a à « aider le monde ». C’est très différent. On passe d’un sentiment d’impuissance passive » à une ou des actions concrètes, même très « petites ». Vous connaissez cette légende du colibri partagée par l’écologiste avant-gardiste Pierre Rhabi : la légende du colibri ?
Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! ». Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »
Lecture spirituelle
Nous sommes ici dans une lecture qui va au-delà du « petit ego » rongé par l’impuissance ou la culpabilité. Nous sommes dans une conscience qui comprend que la terre est une école, une école très avancée » où chaque difficulté est là pour nous enseigner et nous faire grandir. Face à la difficulté nous pouvons faire le choix de jouer la victime (qui est passive) ou celui de l’adulte responsable qui expérimente ce qu’on appelle la liberté (au sens élevé du terme).
Je visite les limites de cette liberté en observant les conséquences de mes pensées, de mes actions, sur moi et sur les autres. Et aussi, j’accepte que l’autre puisse aussi visiter son espace de liberté pour apprendre. A ce niveau, l’erreur est tout-à-fait acceptable. Ce sont mes erreurs qui vont m’enseigner et me faire grandir. De mes erreurs, je vais apprendre. La vie est un excellent professeur, à condition que nous acceptions de la voir comme telle. En allant plus loin dans cette conscience, je comprendrai alors que je ne peux voir à l’extérieur que ce qui existe en moi. Et mon travail intérieur sera déterminant pour orienter mes actions intérieures.
Nous entrons alors dans une vision complètement différente de se propre souffrance et de celle des autres. Cette conscience peut s’accompagner de la responsabilité individuelle (je demande de l’aide si j’en ressens le besoin) et de l’esprit d’entraide (je ne suis pas seul(e) et je peux rejoindre un groupe de personnes qui ressentent la même chose que moi.
Au niveau spirituel, des techniques comme le Ho-oponopono peuvent aider à éradiquer ce sentient de culpabilité. Le pardon est un instrument puissant pour guérir de la culpabilité. La guérison collective passe par la guérison individuelle, le monde étant le mirroir de moi-même. Pardon à soi, pardon aux autres et … pardon à « Dieu » qui « autorise » toutes ces choses parfois pas très drôles sur terre. L’école de la liberté n’autorise pas d’actions extérieures venant d’un « sauveur ». La série de science-fiction Star Trek met bien ce principe en lumière. Mais c’est un autre sujet.