Intelligence artificielle – opportunités et dangers

L’avancée prodigieuse de l’IA m’invite à partager quelques modestes réflexions sur le sujet. Certains disent que la révolution ouverte par l’IA est comparable à celle de l’invention de l’électricité … Son impact rapide va transformer notre manière d’interagir avec le monde, aussi bien au niveau privé qu’au niveau professionnel.

Actuellement, nous en sommes au niveau de l’IA spécialisée mais nous serions proche de l’IA générale (IAG). C’est ce qu’annonce Jensen Huang, PDG de NVIDIA, un pionnier de la technologie de l’IA. ChatGPT-5 est en préparation et pourrait préfigurer la superintelligence, c’est-à-dire des systèmes pouvant agir conformément à des valeurs humaines et des objectifs bien précis (qui va définir ces objectifs ??). Si l’on y ajoute les ordinateurs quantiques en cours de développement, les changements à venir ont de quoi donner le tournis. Un circuit quantique peut exécuter un calcul 100 000 milliards de fois plus vite qu’un superordinateur classique. Le développement de l’IA allié à celui de la technologie quantique pourrait provoquer la singularité technologique, c’est-à-dire le moment où le développement de l’IA déclencherait un emballement de la croissance technologique potentiellement néfaste pour le collectif humain.

Personnellement, j’utilise régulièrement ChatGPT pour améliorer mon style d’écriture, pour me conseiller sur le design d’un power point ou pour trouver une bonne adresse dans une ville. Je vois l’IA comme un assistant qui monte en puissance par les possibilités de plus en plus étendues qu’elle offre. Une interface intelligente entre une masse phénoménale de données qu’elle peut trier et une demande qui peut aller de l’information à l’action – par exemple générer/corriger un texte ou une image. Dans ce schéma, je suis le patron et l’IA est l’assistant. Je fais le choix de conserver ma liberté de choisir, de décider.

Nous pouvons imaginer que bien utilisée, cette IA nous libérera des tâches répétitives et fastidieuses et nous permettra de nous consacrer à des tâches plus amusantes, généralement celles liées à la créativité. Cela va impliquer la disparition de beaucoup d’emplois et sans aucun doute l’apparition de nouveaux. La différence par rapport aux révolutions précédentes, par exemple celle de l’informatique, est que cette révolution est si rapide qu’elle donne peu de temps au monde du travail pour muter et donc peu de temps aux salariés pour adapter leurs compétences.

Dans les années 90, Jeremy Rifkin avait déjà prophétisé un monde sans travail en s’appuyant sur des données concrètes sans toutefois nommer clairement l’IA. Selon une étude de l’Université d’Oxford, jusqu’à 47% des emplois aux États-Unis pourraient être automatisés d’ici les deux prochaines décennies en raison de l’adoption croissante de l’IA et des technologies connexes. Les métiers exploitant un grand volume de données seront les premiers touchés. Assez rapidement, la montée en puissance de l’IA va modifier le paysage des compétences. Il s’agira d’apprendre à travailler avec l’IA. Ceux qui s’y refuseront seront tout simplement mis hors circuit.

Ci-dessous, je questionne la place de l’IA au niveau collectif puis au niveau individuel.

Au niveau collectif, si l’IA est utilisée à des fins altruistes, nous entrerons dans un nouveau monde de partage. Cette technologie sera mise au service de l’évolution de l’humanité. Pour garantir que ces valeurs soient respectées, cette technologie devrait être soumise au contrôle d’organismes indépendants. Cela, c’est l’idéal évidemment … Au moment d’écrire cet article, Elon Musk a introduit une action en justice contre Sam Altman, CEO d’OpenAI, lui reprochant d’avoir abandonné les valeurs de départ fondées sur le libre partage de cette puissante technologie pour lui préférer une utilisation commerciale (alliance avec Microsoft) basée sur le profit et la poursuite d’intérêts égoïstes.

De plus, l’IA commence à être utilisée sur les champs de bataille et dans le développement de nouvelles armes. L’armée française notamment prépare l' »IA militaire« . Les guerres en Ukraine et à Gaza offrent actuellement un terrain d’expérimentation pour les vendeurs d’armes et de puissants établissements financiers. L’IA pourrait aussi être utilisé dans le contrôle de la population et devenir un puissant instrumant de restriction des libertés. Chaque année, le nombre de contrôles ciblés par les IA progresse. En 2019, 21,95 % des contrôles étaient le fait de cette technologie ; ils étaient 32, 5 % en 2020 et 45 % en 2021. La question qui doit se poser est : qui détient cette technologie et à quelle fin ?

Un cadre juridique est en train d’être mis en place au niveau international mais cela sera-t-il vraiment suffisant pour contrebalancer l’alliance entre la puissance de l’IA et la puissance financière de certains ? La compétition est telle qu’aucune société n’est prête à ralentir le rythme, de peur d’être distancée par ses concurrentes.

Examinons maintenant la place d’IA au niveau individuel.

Sidéré par sa puissance et dans une confiance aveugle, certains pourraient choisir de laisser diriger leur vie par l’IA. Ils pourraient personnifier cette intelligence, la considérer comme une être supérieur et lui remettre leur pouvoir de décider. Si l’intelligence naturelle cède la place à l’intelligence artificielle, l’évolution de l’homme a-t-elle encore un sens ? La nature humaine se limite-t-elle à la seule intelligence telle qu’on la définit pour l’IA ?

J’ai posé à l’IA cette question : « quelles sont tes forces et tes faiblesses ? ». Voici sa réponse en résumé : « L’IA a le potentiel d’améliorer l’efficacité, de réduire la dépendance à l’égard de la main-d’œuvre humaine et d’améliorer la gestion des tâches. Cependant, elle est également confrontée à des défis tels que les coûts élevés de création, la paresse des humains, le chômage, le manque d’émotions et les limites de la pensée hors du commun ». Ce que je retiens de la réponse, c’est que l’IA est d’abord un outil de gestion. Elle n’a ni corps, ni émotions.

J’ajouterai une autre faiblesse : les IAs ne sont pas capables de prévoir le résultat de leurs actions sur les autres, c’est pourquoi elles peuvent être très facilement utilisées dans la fraude, la désinformation, la manipulation, … En clair, l’IA n’a pas de « conscience morale ». Cette conscience morale est dans les mains de celui qui utilise l’IA. Voici un exemple d’utilisation de ce puissant outil par des gamins irresponsables. Et ce cas, cité sur le net, donnera sûrement des idées à d’autres …

Jacques Attali compare l’IA à un marteau. Ce qui pose question, ce n’est pas le marteau, c’est l’usage qu’on en fait. Le danger réside à la fois dans l’intention de celui qui utilise cette technologie et dans l’intention de ceux qui la contrôlent. Cette IA n’a pas d’âme. Elle fera ce qu’on lui dira de faire, sauf à imaginer, qu’un jour, elle devienne complètement autonome …

Le plus grand risque ne réside donc pas dans l’IA elle-même mais dans la conscience de celui qui l’utilise. Un enfant peut-il conduire une formule 1 ? Cette humanité n’est-elle pas encore adolescente dans son fonctionnement ? La place que jouera l’IA dans un futur proche dépendra du niveau de notre conscience. Peut-être est-il urgent de travailler d’abord à ce niveau.

« Notre science est en avance sur notre conscience, d’où la course hasardeuse de notre destin ». Sri Aurobindo

Pour ceux qui souhaitent aller plus loin sur le sujet, notamment les liens entre l’IA et le transhumanisme, l’impact de l’évolution de l’IA sur notre identité même d’ëtre humain et sur les valeurs qui ont guidé le collectif humain depuis des millénaires, je conseille ce site.

Auteur/autrice : Xavier Denoël

Formateur, Coach, Psychothérapeute, Médiateur